mercredi 25 juin 2014

Soumission aux oligarques
qui font fortune à nos dépens

(Chronique de Loup Rebel)
« L'homme se soumet “naturellement” à l'autorité, tant que celle-ci lui semble homogène et reconnue. En corollaire de ce postulat, l’homme peut être engagé – en toute bonne conscience – dans un processus immoral, voire criminel. » (Milgram Stanley, « Soumis­sion à l’autorité »)
Parlons de consensus…
Voyons si ce mot conduit à une vérité indiscutable, partageable par tous ceux qui adhèrent audit consensus, ou bien s’il permet au contraire de donner l’illusion d’une vérité à une croyance, une opinion, ou un sentiment.
Que nous disent les dictionnaires officiels sur le mot consensus ?
« Accord, arrangement, alliance, assentiment, consentement, entre plusieurs person­nes. » Waouh ! Et on peut lire également que l’usage récent du mot glisse vers la signification « opinion ou sentiment d’une forte majorité »… Dans le vocabulaire politique, on parlera de « large consensus ». Voilà pourquoi un chef de parti (politique ou religieux) s’efforce avec autant d’acharnement à convaincre le plus grand nombre qu’il détient la vérité : s’il obtient un « large consensus », son catéchisme fera foi, et ses conneries prendront les couleurs de la vérité ! (lesdites couleurs perdent très rapidement leur éclat, peu après les promesses électorales...!)
Crédit photo : http://www.pourlascience.fr/
Ainsi, dans une communauté, quelle qu’elle soit, le consensus est le phénomène groupal qui permet de valider une croyance, voire une illusion.
Je fais remarquer aux scientifiques qui dénoncent les croyances qualifiées de vérités par les communautés religieuses que les communautés scientifiques font exactement la même chose… ! Idem pour les communautés politiques, plus connues sous le nom de « partis ». Et quand il s’agit des oligarques qui nous gouvernent, le consensus est leur capucinade itérative. Accord, arrangement, alliance, assentiment, consentement, sont les mots magiques qui donnent au vainqueur le statut d’empereur, le pouvoir suprême, l’hégémonie en toute légitimité. Nous autres, hommes et femmes soumis à cette autorité reconnue par le consensus, nous courbons l’échine et obéissons fidèlement aux injonctions des maîtres du monde.
Vous ne me croyez pas ? Vous êtes-vous posé deux ou trois petites questions pour savoir qui décide pour nous ?
Comment pouvons-nous tous être si obéissants, de l’école au centre commercial ?
Pourquoi acceptons-nous si facilement :
  • d’acheter des tas de choses superflues parce qu’on nous dit qu’elles sont indispensables,
  • de changer de voiture parce que ça fait quatre ans qu’on roule avec la même,
  • d’apprendre des choses inutiles – ou fausses – à l’école,
  • de remplacer l’ordinateur, notre téléphone et autres tablettes connectées, parce qu’on nous affirme l’obsolescence de ces objets achetés il y a à peine un an,
  • … etc…
  • Et… pourquoi cette maîtresse au visage ingrat ne nous mettait-elle jamais de bonnes notes alors que celle d’après nous couvrait de bons points ?
L'expérience de Milgram Stanley :
Initialement menée entre 1960 et 1963 à l'université de YALE (USA), l'expérience de Milgram Stanley fait partie des plus connues de la psychologie sociale. Si vous avez l’occasion de revoir « I comme Icare » (Yves Montand, Henri Verneuil 1979), l’expérience y est parfaitement reconstituée avec les résultats fidèles, et en plus le film est excellent. Sous prétexte d'expérimentation sur l'influence du châtiment corporel dans le processus de mémorisation, des sujets naïfs recrutés en qualité de moniteurs/instructeurs sont conduits à administrer des chocs électriques de plus en plus forts à une victime innocente, qui joue le rôle de l’élève. Les chocs électriques sont fictifs (l'élève est un comparse), mais le sujet naïf l'ignore. Ces chocs électriques sont administrés par le moniteur à chaque erreur de l'élève et sont progressifs : de 15 en 15 volts jusqu'à 450 volts. L'autorité est incarnée aux yeux des sujets par les responsables de l'expérience, le professeur et son adjoint (et symbolisée par leurs blouses blanches). 99 % des sujets se révèlent obéissants, et 65 % administrent les chocs jusqu’à 450 volts tant que l'autorité leur apparaît homogène. Si l'autorité n'est plus homogène (divergence d'opinions de la part des scientifiques), les sujets naïfs du départ refusent d’obéir. Le consensus est brisé.
Ces recherches expérimentales mettent en évidence la capacité d'obéissance des individus à une autorité reconnue. Les sujets expliquent et justifient leur comportement par leur soumission à l'autorité. 
Dans le cas des expériences de Milgram Stanley (et autres), les personnes qui résistent à l'influence peuvent tout à fait se soumettre dans d'autres circonstances. Ces personnes ne présentent aucune caractéristique spécifique. Aucun paramètre ne permet d'expliquer la résistance : à partir du moment où la situation a été correctement analysée et lorsque l'on construit un dispositif spécifique, l'effet d'influence est vérifié.
En pratique… Pendant des années mes parents ont acheté des livres que mes camarades comme moi-même n’ont jamais ouverts, simplement parce que des enseignants sous influence et un système les y obligeaient. Aujourd’hui, c’est la même chose, sauf que c’est la collectivité qui paie la note et qu’avec le web, les bouquins sont encore moins ouverts. Nous ne lisions pas et n’écoutions guère parce que « nous étions nuls, aussi nuls que ceux d’avant et peut-être un peu moins nuls que ceux d’après ». En fait, des enseignants mal formés et peu motivés dictaient des connaissances approximatives et inutiles à cet âge à un tas de gamins qui étaient là par obligation, sans le moindre plaisir. Je suis prêt à parier que 95 % d’entre nous avons fait cette expérience, pourtant, quand on demande au peuple ce qu’il pense de son système scolaire, il en est plutôt fier malgré une détérioration, et globalement, les parents (moi inclus) poussent à réussir à l’école. Voilà un exemple de soumission.
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Loup
Loup Rebel

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