dimanche 24 août 2014

Qui est tu ?

(Le billet de Loup Rebel)

Toi qui passes par ici,
tu t'es sans doute demandé quelquefois :
Qui suis-je ? 
Quels inconnus se cachent
au fond de moi ? 

Tu veux savoir qui tu es ?
Écoute ce que tu dis,
ça parle de toi.

Si tu n’entends que les paroles
des fantômes qui hantent ton esprit,
oublie tout ce qu’ils t’ont appris.

Après ça, tout ce que tu diras
ne parlera que de toi.

Écoute-toi, et tu sauras qui tu es.
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Loup
http://blog.louprebel.fr/2014/08/qui-est-tu.html
Loup Rebel

jeudi 7 août 2014

Entre science et croyances...?

(Le billet de Loup Rebel)
Cette chronique exhume un questionnement dont l’origine renvoie aux racines mêmes de l’humanité. L’interrogation suggérée dans le titre ne date pas d’hier. Elle est omniprésente chez Platon, et même si certains philosophes contemporains adoptent une position péremptoire, la frontière entre la « connaissance » et la « croyance » reste improbable. Il arrive toujours un moment où une découverte scientifique remet en cause une certitude précédemment établie par la science.

En 1966, une conférence intitulée « What Is Science » s’est tenue dans l’un des plus importants regroupements d’enseignants des sciences, la National Science Teachers Association. L'un des physiciens les plus influents de la seconde moitié du XXe siècle, Richard Phillips Feynman, prenait la parole pour expliquer comment « La science est la croyance en l’ignorance des experts ». Il l’a prononcé en 1966 dans un discours. Vous trouverez la traduction de cette intervention à cette adresse : http://www.drgoulu.com/2013/12/18/la-science-est-la-croyance-en-lignorance-des-experts/

La science est la croyance en l'ignorance des experts

Le terreau du pouvoir politique

De toute évidence, le pouvoir politique navigue en eaux troubles dans les coulisses de ce questionnement. La croyance constitue en effet le terreau du pouvoir politique, aujourd’hui pas moins qu’à l’aube de l’humanité. La science nous permet seulement de remplacer nos croyances par d’autres : nos illusions changent, mais ne meurent jamais.
Ainsi, l’humanité s’est fondée sur des croyances. Depuis la nuit des temps, croire a été le propre de l’homme : « Le réel, c’est ce que nous ne connaissons pas », disait Lacan.

Mais… ne pas connaitre le réel ne nous empêche pas d’y croire !

De la caverne de Platon à nos jours :
Quel avenir pour nos croyances ?

Dans l’œuvre de Platon, l’opposition entre la raison et les émotions est omniprésente. La suprématie des émotions, de la sensualité, et de l’illusion y est largement repérée et reconnue. Pour autant, le renoncement à une connaissance absolue du réel n'est pas à l'ordre du jour. C'est justement l'épilogue de l'allégorie de la caverne : la science, vérité pure issue du « monde des idées », finira par l'emporter sur l'imaginaire, les émotions, les illusions, et les croyances, issues du « monde sensible ».

Pas moins au XXIe siècle qu’à l’aube des civilisations, la vérité constitue la quête perpétuelle de l’homme, preuve qu’il ne l’a pas encore trouvé. Pour contourner ce problème de « l'improbable vérité », Platon avait inventé la « théorie des Formes », fondée sur ses convictions et croyances : Le monde des idées, contesté par Aristote, devait permettre d'accéder à la connaissance pure.

Les philosophes de l’époque des lumières ont tous donné leur définition de la vérité. Nietzsche, lui, a posé la vérité comme croyance première de la science. S’il a mis dans la bouche d'un fou son célèbre « Dieu est mort », c’est parce qu'il savait son destin de n'être pas cru, considéré comme fou par la pieuse foule Allemande de la fin du XIXe siècle.

Fort heureusement, disent les sages, le propre de l’homme est aussi de raisonner. Certes, mais il raisonne à partir de ses croyances ; ce qui devrait – logiquement – lui permettre de les remettre en cause. Or, si les dialogues de Socrate ont eu le mérite de mettre en lumière la dichotomie entre la raison et les émotions, ils n’ont pas réussi pour autant à sortir l’humanité de la caverne aux illusions. Chaque tentative pour y parvenir ne fait que nous projeter dans un nouveau nymphée, non moins peuplé d’ombres et de reflets, rien d’autre que de nouvelles hallucinations.

D’aucuns affirmeront que la croyance est seulement le fait des religions, ajoutant que les croyances s’opposent aux vérités… Cette affirmation constitue en elle-même une prodigieuse croyance, aussi cocasse qu’invraisemblable.

Concept d'un réel consensuel

S’il n’y a que des réels subjectifs, le philosophe ne va pas manquer de poser les questions suivantes :
Comment sera-t-il possible, dans ces conditions, que la science construise des théories – même reconnues comme sans portée ontologique, à la manière de Pierre Duhem – susceptibles de faire l’accord des esprits ? 
Faut-il admettre que le réel donne lieu à une traduction psychique commune, autrement dit à une illusion collective ? 
Qu'en est-il alors de la définition philosophique de la vérité ?
Après Jung et son inconscient collectif, Freud dans Avenir d’une illusion (1927) et Malaise dans la civilisation (1927), dans le sillage de l’École de Palo Alto (voir liens internet ici et ), Didier Anzieu, Jean-Bertrand Pontalis, René Kaës… et quelques autres se sont penchés sur ces questions :
Ils ont introduit l’existence d’un inconscient de groupe, et un inconscient dans le groupe. Le fonctionnement groupal (et son recours à l'autoréférence) serait une défense contre l'acceptation des processus inconscients qui y sont à l'œuvre. Ils en arrivent à poser l'existence d'une « illusion groupale » : tout groupe se réfère à son insu à une illusion, un imaginaire, une croyance (ou un ensemble de croyances) qui fondent sa cohésion (apparente).
Pour Didier Anzieu, l'illusion groupale est un sentiment de folie que les groupes en général éprouvent à un certain moment. C'est un état psychique collectif que les membres d’un groupe formulent ainsi : « Nous sommes bien ensemble, nous construisons un bon groupe, avec un bon leader qui partage nos convictions ».
Le groupe est érigé en objet-groupe massivement investi, objet-idéal (objet petit a, dirait Lacan) dont l'appareil psychique a comme fonction de maintenir les liens et la cohésion du groupe. Son homéostasie est pérenne tant que l’illusion groupale n’est pas remise en cause.
Pour Anzieu, le consensus groupal relève clairement de la psychose collective. Sigmund Freud disait la même chose dans son analyse de deux grands objets-groupes : l’armée et la Religion (Psychologie collective et analyse du moi, 1921).

Nous devons donc bien admettre l'idée d'une réalité consensuelle, dans laquelle les illusions individuelles se structurent pour former une illusion groupale, sans laquelle aucune cohésion n'est possible dans aucun groupe.
Au vingt et unième siècle encore, même en dehors des dogmes religieux, les croyances fondatrices de notre civilisation (le christianisme) sont profondément ancrées dans l’inconscient collectif des peuples concernés (dont la France, ça va de soi). Ce qui pose problème c’est l’appropriation de ces croyances par les chefs religieux qui cherchent à les imposer comme étant LA vérité absolue, LE savoir « vrai », LA connaissance révélée par Dieu, donc incontestable. L’être humain, en perpétuel questionnement sur ses origines, croit trouver là les réponses. Cette illusion collective pousse les peuples à se soumettre à ce qui leur est proposé comme étant la loi de Dieu. Cette imposture apporte aux tyrans l’assurance de leur pouvoir absolu.

Le dogme religieux remplit alors deux fonctions complémentaires :
  • Il assure la cohésion sociale,
  • Il garantit la soumission du peuple au chef politique considéré comme « élu de Dieu ».
Il serait faux de croire que la science peut changer ce système, car elle n’est qu’une nouvelle croyance en rivalité avec Dieu. Le dogme de la science se substitue tout simplement à celui du religieux. Aujourd’hui, la « communauté scientifique » devient la référence absolue de la « connaissance ». Religieuses ou scientifiques, ces communautés prétendent toutes les deux détenir le copyright de LA connaissance. Deux vérités – ou plutôt prétendues vérités – s’affrontent : celle proposée par les leaders de la science, et celle des chefs religieux. Chacun avance ses preuves, et chaque preuve ne fait que contredire les croyances qui s’opposent. 
Par exemple :
  • Dieu existe, les miracles le prouvent et pointent l’impuissance de la science face à ces manifestations divines.
  • Dieu n’existe pas, et les miracles ne sont que des illusions, voire des hallucinations, ou encore un effet « placébo » quand il s’agit de guérison d’une maladie.
Dans les deux cas, aucune preuve n’est recevable, ni de l’existence de Dieu, ni de sa non-existence. Ce sont simplement deux croyances opposées, ce qui apporte la preuve du dogme scientifique. Que les miracles n’existent pas ne prouve pas plus que Dieu n’existe pas ou qu’il existe. 
L'humanité est en passe de remplacer la supercherie religieuse par l’imposture scientifique. Les mots croyance et connaissance seraient synonymes, si le second n’avait pas la prétention de faire croire qu’il désigne LA vérité.

De la croyance à la connaissance : la vraie fausse vérité
Qui sont les nouveaux porteurs de vérité ?

Parce que l’être humain est en quête d’illusions, la réussite d’un homme politique dépend avant tout de son talent d’illusionniste. 

Depuis la nuit des temps, croire a été le propre de l’homme, et l’humanité s’est ainsi fondée sur des croyances. Durant les siècles du pouvoir hégémonique de l’église, la supercherie consistait à « faire croire » qu’il s’agissait de la « parole de Dieu ». Imparable.

En ce début du XXIe siècle, la méthode s’adapte à l’air du temps : le tour de passe-passe des Souverains actuels soucieux de rester au pouvoir consiste à nommer connaissance une croyance érigée au statut de vérité. Dès lors, elle est intronisée dans le champ de la science et du droit. Vérité fait loi, les experts en sont les gardiens, nouveaux vicaires apostoliques de la religion des temps modernes, au service du pouvoir. 
On constate que les points de parité entre l’église et la science résident d’une part dans leur conviction commune : elles affirment toutes les deux être porteuses de la vérité, qu’elles nomment connaissance. D’autre part, l’une comme l’autre a des prétentions hégémoniques : toute défiance à sa doctrine est considérée comme une hérésie et un blasphème. 
Sur ces fondements, l'humanité est en passe de remplacer la supercherie religieuse par une imposture scientifique dans l’exercice du pouvoir politique. Les mots croyance et connaissance seraient synonymes, si le second n’avait pas la prétention de faire croire qu’il désigne LA vérité.

La croyance érigée en vérité au service du pouvoir

À l’époque de Galilée, la seule vérité en vigueur était « la parole de Dieu ». Or, jamais personne ne l’a entendu prononcer un seul mot, celui-là. Ceux qui prétendent le contraire sont des imposteurs. Normal, Dieu – si toutefois on croit qu’il existe – ne parle pas. 
Durant la période de l’inquisition (en France et en Espagne notamment), un hérétique qui osait dénoncer une vérité divine était brulé vif sur la place publique. La vérité sur laquelle le pouvoir politique fondait sa légitimité était ladite parole de Dieu évoquée ci-dessus. On ignore si les Souverains y croyaient, mais le peuple oui. En tout cas suffisamment pour s’y soumettre. Remettre en cause cette vérité était un blasphème, passible de la peine de mort. Le procédé est très dissuasif, à n’en pas douter. 
Au XXIe siècle, la vérité sur laquelle le pouvoir politique fonde sa légitimité est la parole de la Science, en lieu et place de la précédente parole de Dieu. Les nouveaux inquisiteurs sont à la solde de ceux qui soutiennent ladite vérité scientifique. Fidèles serviteurs du pouvoir (souvent sans même s’en rendre compte), ils se tiennent prêts à pourfendre les incroyants de leur glaive scientiste. L’hérétique est celui qui ne croit pas en la vérité dominante. Ses propos sont blasphématoires s’il ne se soumet pas à la sainte parole de la science. Les porte-paroles en sont les experts, nommés par le pouvoir pour le servir (les nouveaux prélats).

L’illusion qui fait prendre la carte pour le territoire

Les experts payés par le pouvoir pour contraindre les paroissiens à se soumettre à la vérité scientifique sont encore plus habiles que les anciens maitres du dogme religieux. Les techniques de manipulation ont fait de grands progrès. Les moutons de Panurge qui peuplent la république boivent les paroles des Experts, les trouvant plus à la mode que les paroles d’Évangile... sans se rendre compte le moins du monde qu’on leur montre la carte en leur faisant croire que c’est le territoire.
Quelques exemples :
  • Un jour, quelqu’un vous a dit : « ce que tu vois dans le miroir, c’est toi ». Vous avez fini par le croire, puisque tout le monde y croyait. Vous avez acquis dès cet instant le don d’ubiquité : vous êtes en même temps là, dans votre corps sensible, et derrière la plaque de verre dans laquelle vous voyez votre image. Pas vous, votre image (la carte, et non pas le territoire).
  • L’imagerie médicale :
    Pour ceux qui s’en défendent en affirmant : le réel est mesuré avec un appareil infaillible, dénué de sensibilité et d’émotion, donc lui, il rend compte du réel sans distorsions sensorielles. Oui, vous avez raison, il rend compte. Il vous fournit une carte du réel. Pas le réel, la carte du réel.
  • Le consensus sur l’information fournie par l’appareil – déclaré infaillible – qui rend compte du réel :
    La technique fabrique des outils extraordinaires capables de produire un résultat que l’on qualifiera d’indiscutable. Il n’en reste pas moins que l’instrument en question ne peut signifier quoi que ce soit, sans que la communauté des humains ne se soit accordée pour déclarer que l’instrument est fiable. On s’accorde à dire que l’on peut avoir foi dans les informations que nous fournissent ses relevés. On peut indiscutablement y croire. Transformer cette croyance en une vérité est une redoutable tentation, pour pallier l’angoisse du réel qui nous échappe : « le réel, c’est ce que nous ne connaissons pas » (Jacques Lacan, Séminaires 1974-1975 livre XXII).
Sans parler des énigmes nouvelles que soulève la physique quantique, on pourrait multiplier à l’infini les exemples.

Conclusion

Nous n’avons pas d’autre choix que d’admettre l'idée d'une réalité consensuelle, dans laquelle les illusions individuelles se structurent pour former une illusion collective, partagée par tous, sans laquelle aucune cohésion sociale n'est possible. Les Souverains au pouvoir usent et abusent de cette réalité pour soumettre les peuples, en leur faisant croire que cette illusion est LA vérité démocratique : « Nous sommes bien ensemble, nous construisons une bonne société, avec un bon leader qui partage nos convictions ».

Voilà comment l'humanité est en passe de remplacer – dans l’exercice du pouvoir politique – la supercherie religieuse par une imposture scientifique. Le danger à ne pas prendre conscience de ce tour de passe-passe peut aboutir à élire un dangereux tyran à la tête d’une – soi-disant – démocratie. L’histoire l’a déjà démontré : Hitler est devenu dictateur, avec l’actif soutien d’une grande majorité de ses citoyens (voir ici).
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Loup
http://blog.louprebel.fr/2014/08/entre-science-et-croyances.html
Loup Rebel


Crédit image :
– illustration d’une chronique de Didier Norton dans la revue « Pour la science.fr ».
– La caverne de Platon revisitée par Lacan (Edit Auteur, Paul Dussert, 2012)
– Le Figaro.fr du 06/03/2009 – Arrêt sur image (sélection photo du Figaro Magazine)

Autres sources :
La caverne de Platon revisitée par Lacan (Edit Auteur, Paul Dussert, 2012)
http://www.pedagopsy.eu/livre_groupe_anzieu.htm
 

mardi 5 août 2014

L’anthropologie du verbe :
Passage obligé de la psychanalyse

(Paroles de Psy)

Préambule

Avant de voir le monde, vous l’avez entendu depuis votre demeure prénatale aquatique. Vous ne pouviez pas encore le voir, enfermé dans l’espace clôt de l’utérus, mais vous en perceviez déjà les vibrations acoustiques. Parler d’anthro­pologie implique d’accorder la priorité à l’orale plutôt qu’à l’écrit, c’est-à-dire aux sym­boles auditifs avant leurs figurations graphi­ques, visuelles. C’est tout le sens révélé par cette annonce : « au com­mencement était le verbe ». Dans ce commen­cement-là [le verbe] est syno­nyme de [la parole]. Ici, l’entendu vient de ce qui est « dit », et non pas « écrit ». Croire que la civilisation par excellence est celle de l’écrit relève de la plus insoutenable arrogance. Cela ramène la vie à l’existence d’une civilisation unique. Une civilisation dans laquelle tout ce qui ne rentre pas dans sa page d’écriture est, pour elle, inexistant. Serait-ce là une transposition de la métaphore du « péché originel » ?

Délimitation

Pour poser un cadre temporel à l’étude anthropologique de la vie d’un être humain, nous en fixons l’origine à l’instant de sa naissance. Historiquement, cette origine coïncide avec celle définie par les premiers « explorateurs des âmes », il y a plus de cinq mille ans : les astrologues de Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate (lien). Ce qui pointe, entre parenthèses, la parité entre l’anthropologie d’une vie personnelle et celle de l’humanité. Vous comprendrez plus loin l’importance de cette parenthèse, lorsqu’il sera question des « pressions environ­nementales » et de leurs origines. Certes, nous n’ignorons pas que le patrimoine génétique s’organise depuis l’instant de la rencontre entre le spermatozoïde et l’ovule. Mais laissons au biologiste le soin d’apporter des réponses sur la genèse du corps, en espérant qu’il reconnaisse au psychanalyste sa légitimité pour parler de la genèse de l’âme… !

Origines

C’est donc en sortant du ventre de votre mère que vous avez fait votre entrée dans votre vie. Dès lors, vous avez reçu la pression de votre environnement. Cette pression, vous l’avez reçu, assimilée, puis mimée spontanément selon un rythme unique qui est le vôtre, en interaction constante avec votre héritage génétique. En réalité, il serait plus juste de parler de la pression de « vos » environnements. Déjà, la présence de deux parents issus de deux familles distinctes implique la réunion de deux cultures familiales. Dans le meilleur des cas, l’assemblage des deux fusionne harmonieusement, ou bien l’une absorbe et engloutit l’autre, sans conflits manifestes. Mais le plus souvent, plus ou moins douloureusement, des conflits placent en rivalité – non seulement le père et la mère, mais aussi – l’une et l’autre famille et belle-famille. Votre première lecture du monde vous a donc conduit à identifier au plus tôt ces environnements différents, parfois contradictoires ou opposés, pour en assimiler les pressions, les recevoir, et les mimer. De ces mimes initiaux naitront votre personnalité, vos qualités, vos défauts, à l’origine de votre manière particulière de vous intégrer dans le monde des humains.

Croissance

C’est ainsi que, petit à petit, vous avez eu accès au langage. Sans doute avez-vous très vite remarqué et intégré que le même mot – le même signifiant – pouvait prendre un sens différent dans la bouche de papa et celle de maman. Un même signifiant, et des signifiés différents. Sans être spécialiste en linguistique, vous pouvez entrevoir la façon dont votre propre langage s’est structuré, au fil du temps et de vos expériences auditives. Plus tard, vous avez découvert aussi que la différence des sonorités vocales cachait beaucoup d’autres différences… Et vous avez identifié votre appartenance à l’un des deux sexes. Appartenance que vous avez peut-être acceptée d’emblée, ou peut-être contestée, provisoirement ou définitivement. Que de choses oubliées aujourd’hui, et pourtant si importantes, déterminantes et incontournables dans le fondement de la personne que vous avez construit, avec les matériaux mis à votre disposition dans les premières années de votre vie !
Rassurez-vous, toutes ses informations sont bel et bien stockées dans les méandres de votre mémoire. Elles sont efficientes à tout moment, chaque fois que vous faites face à une situation où vous devez vous adapter. Le seul petit problème, c’est que ces données échappent totalement à votre contrôle ! Elles déterminent à votre insu vos réactions, et adaptent votre comportement sur les modèles mis en place lors de vos premiers mimes : souvenez-vous, les pressions de votre environnement que vous avez reçu jadis, que vous avez assimilées, puis mimées. Ces mimes initiaux sont autant de séquences d’apprentissage qui ont construit jour après jour votre propre façon de vous adapter au monde dans lequel vous avez grandi.

Aboutissement

Et si vous deviez reconstruire cette personne que vous êtes maintenant, avec les mêmes matériaux, les assembleriez-vous à l’identique ?
Si vous répondez oui, vous n’avez nul besoin de faire une psychanalyse, car vous estimez que votre vie vous donne satisfaction. Vous ne remettez pas en cause votre bonheur, ni ce que vous attendez de votre vie.
Si vous répondez non, entreprendre l’étude anthropologique de votre vie vous renverra dans les méandres de vos souvenirs oubliés. Vous pourrez découvrir comment votre inconscient s’est structuré, à l’image de votre langage. Votre parole sera le fil conducteur, la voix qui ouvre la voie vers votre inconscient. Vous prendrez conscience qu’il ne vous est plus interdit aujourd’hui de choisir. Choisir ce en quoi vous voulez croire, sortir de vos symptômes, abandonner les douleurs auxquelles vous êtes enchainé, bref, profiter de la vie tout simplement.

Inconscient : voix du silence

Revenons maintenant sur le préambule de départ, à propos de la priorité de l’oral sur l’écrit. Pourquoi accorder autant d’importance à cette priorité ? Parce que c’est la clef du « placard aux souvenirs oubliés ». Tous ces souvenirs ont été inhumés dans le cimetière de la pensée unique : les apprentissages de l’écrit vous ont contraint à faire mourir en vous la prégnance de l’oral. Souvenez-vous vos premiers balbutiements où, sous la contrainte des lois scolaires, la lecture à haute voix a fini par disparaitre au profit du silence.
Le monde du symbolique – J’entends celui du langage – a reçu l’injonction de s’en tenir à l’écrit, l’oral étant jugé indigne de la civilisation et de la culture. Voilà pourquoi, plus ou moins docilement, vous avez fini par ranger vos expériences auditives fondatrices de votre structure première dans cette partie de vous appelée « inconscient », le fameux placard aux souvenirs oubliés fermé à double tour, dont la clef vous a été confisquée.

Enseignement oral de Lacan

Ici, la phrase prononcée avec beaucoup de discernement par Lacan prend tout son sens : « Notre inconscient est structuré comme un langage ». Il faut entendre langage oral. Pour ceux qui l’ignoreraient, l’enseignement de Jacques Lacan a été oral. D’où la réelle difficulté à y accéder aujourd’hui, même si ses héritiers ont commis la trahison de publier ses séminaires sous le titre trompeur d’Écrits. Les Écrits de Lacan sont en réalité une transcription – après coup – de son enseignement oral.
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Paul Dussert
Votre Psy en ligne
A lire en lien avec ce billet :

Le choc du futur : la culture élitiste dans tous ses états