Préambule
Avant
de voir le monde, vous l’avez entendu depuis votre demeure prénatale
aquatique. Vous ne pouviez pas encore le voir, enfermé dans l’espace
clôt de l’utérus, mais vous en perceviez déjà les vibrations
acoustiques. Parler d’anthropologie implique d’accorder la priorité à
l’orale plutôt qu’à l’écrit, c’est-à-dire aux symboles auditifs avant
leurs figurations graphiques, visuelles. C’est tout le sens révélé par
cette annonce : « au commencement était le verbe ». Dans ce commencement-là [le verbe] est synonyme de [la parole]. Ici, l’entendu vient de ce qui est « dit », et non pas « écrit ».
Croire que la civilisation par excellence est celle de l’écrit relève
de la plus insoutenable arrogance. Cela ramène la vie à l’existence
d’une civilisation unique. Une civilisation dans laquelle tout ce qui ne
rentre pas dans sa page d’écriture est, pour elle, inexistant.
Serait-ce là une transposition de la métaphore du « péché originel » ?
Délimitation
Pour
poser un cadre temporel à l’étude anthropologique de la vie d’un être
humain, nous en fixons l’origine à l’instant de sa naissance.
Historiquement, cette origine coïncide avec celle définie par les
premiers « explorateurs des âmes », il y a plus de cinq mille ans : les astrologues de Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate (lien).
Ce qui pointe, entre parenthèses, la parité entre l’anthropologie
d’une vie personnelle et celle de l’humanité. Vous comprendrez plus
loin l’importance de cette parenthèse, lorsqu’il sera question des «
pressions environnementales » et de leurs origines. Certes, nous
n’ignorons pas que le patrimoine génétique s’organise depuis l’instant
de la rencontre entre le spermatozoïde et l’ovule. Mais laissons au
biologiste le soin d’apporter des réponses sur la genèse du corps, en
espérant qu’il reconnaisse au psychanalyste sa légitimité pour parler de
la genèse de l’âme… !
Origines
C’est
donc en sortant du ventre de votre mère que vous avez fait votre
entrée dans votre vie. Dès lors, vous avez reçu la pression de votre
environnement. Cette pression, vous l’avez reçu, assimilée, puis mimée
spontanément selon un rythme unique qui est le vôtre, en interaction
constante avec votre héritage génétique. En réalité, il serait plus
juste de parler de la pression de « vos » environnements. Déjà, la
présence de deux parents issus de deux familles distinctes implique la
réunion de deux cultures familiales. Dans le meilleur des cas,
l’assemblage des deux fusionne harmonieusement, ou bien l’une absorbe et
engloutit l’autre, sans conflits manifestes. Mais le plus souvent,
plus ou moins douloureusement, des conflits placent en rivalité – non
seulement le père et la mère, mais aussi – l’une et l’autre famille et
belle-famille. Votre première lecture du monde vous a donc conduit à
identifier au plus tôt ces environnements différents, parfois
contradictoires ou opposés, pour en assimiler les pressions, les
recevoir, et les mimer. De ces mimes initiaux naitront votre
personnalité, vos qualités, vos défauts, à l’origine de votre manière
particulière de vous intégrer dans le monde des humains.
Croissance
C’est
ainsi que, petit à petit, vous avez eu accès au langage. Sans doute
avez-vous très vite remarqué et intégré que le même mot – le même
signifiant – pouvait prendre un sens différent dans la bouche de papa et
celle de maman. Un même signifiant, et des signifiés différents. Sans
être spécialiste en linguistique, vous pouvez entrevoir la façon dont
votre propre langage s’est structuré, au fil du temps et de vos
expériences auditives. Plus tard, vous avez découvert aussi que la
différence des sonorités vocales cachait beaucoup d’autres différences…
Et vous avez identifié votre appartenance à l’un des deux sexes.
Appartenance que vous avez peut-être acceptée d’emblée, ou peut-être
contestée, provisoirement ou définitivement. Que de choses oubliées
aujourd’hui, et pourtant si importantes, déterminantes et
incontournables dans le fondement de la personne que vous avez
construit, avec les matériaux mis à votre disposition dans les premières
années de votre vie !
Rassurez-vous, toutes ses informations sont bel et bien stockées dans les méandres de votre mémoire. Elles sont efficientes à tout moment, chaque fois que vous faites face à une situation où vous devez vous adapter. Le seul petit problème, c’est que ces données échappent totalement à votre contrôle ! Elles déterminent à votre insu vos réactions, et adaptent votre comportement sur les modèles mis en place lors de vos premiers mimes : souvenez-vous, les pressions de votre environnement que vous avez reçu jadis, que vous avez assimilées, puis mimées. Ces mimes initiaux sont autant de séquences d’apprentissage qui ont construit jour après jour votre propre façon de vous adapter au monde dans lequel vous avez grandi.
Rassurez-vous, toutes ses informations sont bel et bien stockées dans les méandres de votre mémoire. Elles sont efficientes à tout moment, chaque fois que vous faites face à une situation où vous devez vous adapter. Le seul petit problème, c’est que ces données échappent totalement à votre contrôle ! Elles déterminent à votre insu vos réactions, et adaptent votre comportement sur les modèles mis en place lors de vos premiers mimes : souvenez-vous, les pressions de votre environnement que vous avez reçu jadis, que vous avez assimilées, puis mimées. Ces mimes initiaux sont autant de séquences d’apprentissage qui ont construit jour après jour votre propre façon de vous adapter au monde dans lequel vous avez grandi.
Aboutissement
Et
si vous deviez reconstruire cette personne que vous êtes maintenant,
avec les mêmes matériaux, les assembleriez-vous à l’identique ?
Si
vous répondez oui, vous n’avez nul besoin de faire une psychanalyse,
car vous estimez que votre vie vous donne satisfaction. Vous ne remettez
pas en cause votre bonheur, ni ce que vous attendez de votre vie.
Si vous répondez non, entreprendre l’étude anthropologique de votre vie vous renverra dans les méandres de vos souvenirs oubliés. Vous pourrez découvrir comment votre inconscient s’est structuré, à l’image de votre langage. Votre parole sera le fil conducteur, la voix qui ouvre la voie vers votre inconscient. Vous prendrez conscience qu’il ne vous est plus interdit aujourd’hui de choisir. Choisir ce en quoi vous voulez croire, sortir de vos symptômes, abandonner les douleurs auxquelles vous êtes enchainé, bref, profiter de la vie tout simplement.
Si vous répondez non, entreprendre l’étude anthropologique de votre vie vous renverra dans les méandres de vos souvenirs oubliés. Vous pourrez découvrir comment votre inconscient s’est structuré, à l’image de votre langage. Votre parole sera le fil conducteur, la voix qui ouvre la voie vers votre inconscient. Vous prendrez conscience qu’il ne vous est plus interdit aujourd’hui de choisir. Choisir ce en quoi vous voulez croire, sortir de vos symptômes, abandonner les douleurs auxquelles vous êtes enchainé, bref, profiter de la vie tout simplement.
Inconscient : voix du silence
Revenons
maintenant sur le préambule de départ, à propos de la priorité de
l’oral sur l’écrit. Pourquoi accorder autant d’importance à cette
priorité ? Parce que c’est la clef du « placard aux souvenirs oubliés
». Tous ces souvenirs ont été inhumés dans le cimetière de la pensée
unique : les apprentissages de l’écrit vous ont contraint à faire mourir
en vous la prégnance de l’oral. Souvenez-vous vos premiers
balbutiements où, sous la contrainte des lois scolaires, la lecture à
haute voix a fini par disparaitre au profit du silence.
Le monde du symbolique – J’entends celui du langage – a reçu l’injonction de s’en tenir à l’écrit, l’oral étant jugé indigne de la civilisation et de la culture. Voilà pourquoi, plus ou moins docilement, vous avez fini par ranger vos expériences auditives fondatrices de votre structure première dans cette partie de vous appelée « inconscient », le fameux placard aux souvenirs oubliés fermé à double tour, dont la clef vous a été confisquée.
Le monde du symbolique – J’entends celui du langage – a reçu l’injonction de s’en tenir à l’écrit, l’oral étant jugé indigne de la civilisation et de la culture. Voilà pourquoi, plus ou moins docilement, vous avez fini par ranger vos expériences auditives fondatrices de votre structure première dans cette partie de vous appelée « inconscient », le fameux placard aux souvenirs oubliés fermé à double tour, dont la clef vous a été confisquée.
Enseignement oral de Lacan
Ici, la phrase prononcée avec beaucoup de discernement par Lacan prend tout son sens : « Notre inconscient est structuré comme un langage ».
Il faut entendre langage oral. Pour ceux qui l’ignoreraient,
l’enseignement de Jacques Lacan a été oral. D’où la réelle difficulté à y
accéder aujourd’hui, même si ses héritiers ont commis la trahison de
publier ses séminaires sous le titre trompeur d’Écrits. Les Écrits de
Lacan sont en réalité une transcription – après coup – de son
enseignement oral.
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Paul Dussert
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