(La démocratie en question...)
La démocratie se trouve piégée
par le système qui l'incarne :
par le système qui l'incarne :
« l'élection au scrutin majoritaire »
21 avril 2002... on s'en souvient tous !
Il est urgent de réformer le mode de scrutin actuel pour désigner les candidats dont la mission est de représenter le peuple. Les élus ont pris la fâcheuse habitude de l'oublier, considérant leur carrière politique prioritaire sur la volonté de l'électorat exprimée dans les urnes.- Lionel Jospin, que tous les sondages donnaient vainqueur du second tour de l’élection présidentielle, est éliminé au premier tour en raison de la fragmentation de la gauche.
- Ce qui a permis à Jean-Marie Le Pen, rejeté par 80 % des Français, d'être présent au second tour.
- Et finalement, Jacques Chirac est élu président avec 82 % des voix alors qu'il en avait 19,9 % au premier tour.
Le scrutin majoritaire à deux tours souffre de graves défauts. Il ne respecte pas l'opinion de l'électorat. La démonstration mathématique en est faite, notre système électoral ne désigne pas le candidat voulu par la majorité des Français.
Le scrutin majoritaire – à un ou deux tours – viole la volonté de l'électorat : le gagnant dépend du jeu des candidatures. La principale stratégie électorale utilisée par les candidats “favoris” (les deux ou trois en tête des sondages) consiste à soutenir le plus grand nombre possible de “petits” candidats, de façon à demander à l'électorat le report des voix au second tour. C'est la stratégie dite du “vote utile”. Ce qui ne laisse une chance d'être élus qu'aux seuls candidats des deux grands partis politiques : socialiste et UMP.
Mais une élection, c'est pour qui, et pour quoi ?
- Pour les électeurs, pas les politiques.
- Pour donner à chaque électeur le droit de s'exprimer pleinement.
- Pour révéler le candidat réellement voulu par l'électorat.
- À la présidentielle de 1988, Mitterrand gagne contre Chirac au second tour... mais tous les sondages avaient indiqué que Raymond Barre aurait gagné l'élection au second tour face à Chirac ou à Mitterrand.
- À la présidentielle de 1995, avec 20,8 % des voix au premier tour, Chirac gagne contre Jospin au second tour... mais si De Villier n'avait pas était candidat, ces 4,7 % des voix auraient étaient pour Balladur qui aurait obtenu alors 23,3 % (18,6 % + 4,7 %). Il aurait ainsi gagné face à Chirac au second tour...
- À la présidentielle de 2007, Sarkozy est élu... mais tous les sondages indiquaient que Bayrou face à n'importe lequel des candidats aurait gagné au second tour.
- La présidentielle de 2002, avec 16 candidats au premier tour et l'élimination des 14 candidats au premier tour qui impose aux électeurs le choix entre Le Pen et Chirac, ne laisse aucun doute sur la perversité du mode d'élection : le scrutin majoritaire n'a pas désigné le candidat préféré par la majorité des Français, puisque cette majorité a voté avant tout “contre” Le Pen, privé de pouvoir voter “pour” Jospin que tous les sondages donnaient vainqueur au second tour, face à n'importe lequel des candidats.
Que peut faire l'électeur ?
- Voter “honnêtement” pour son favori (s'il en a un), même quand son favori n'a aucune chance ?
- Protester et voter pour un candidat extrême ?
- Voter “stratégiquement” pour le moins mauvais parmi ceux qui ont une chance, peut-être pour le regretter plus tard au vu des résultats ?
- Voter blanc, sachant que les blancs ne sont pas comptabilisés ?
Les votes pour un candidat expriment des opinions complètement différentes : calculer leur somme est un non-sens absolu.
Une aberration mathématique, aussi absurde que de vouloir additionner des chapeaux avec des carottes et des vaches
(3 carottes + 5 chapeaux + 1 éléphant = 9 !!)
La démocratie se trouve ainsi piégée par le système qui l'incarne
Une aberration mathématique, aussi absurde que de vouloir additionner des chapeaux avec des carottes et des vaches
(3 carottes + 5 chapeaux + 1 éléphant = 9 !!)
La démocratie se trouve ainsi piégée par le système qui l'incarne
Quelles alternatives pour rétablir la démocratie ?
Parmi les alternatives pour rétablir la démocratie, il y en a deux qui retiennent l'attention des politologues avertis :
- le jugement majoritaire. C'est ce système qui est présenté ici
- la désignation des représentants du peuple par tirage au sort.(1)
pour rendre les élections aux électeurs.
Le principe du jugement majoritaire est celui utilisé dans la scolarité pour noter et classer les élèves. Il permet d'établir une moyenne générale, et finalement le classement : le premier de la classe est l'élève qui a la meilleure moyenne, quelles que soient ses notes partielles.
Le mauvais comportement du scrutin majoritaire étant confirmé, voyons comment le jugement majoritaire en corrige les défauts.
Pour le démontrer, un sondage expérimental en conditions réelles a été réalisé en avril 2011 par "OpinionWay". Ce sondage n'est qu'une vue instantanée du comportement possible de l'électorat, mais il représente une possibilité réelle. Il a permis de comparer les deux modes d'élection : le "scrutin majoritaire", et le "jugement majoritaire" (les détails du sondage sont présentés dans la vidéo).
Pour faire simple, comprenons que dans le système actuel du scrutin majoritaire, l'électeur qui vote pour "un" candidat :
- ne révèle absolument rien de ce qu'il pense des autres candidats,
- ne révèle rien de ce qu'il pense du candidat pour qui il a voté.
- on demande à l'électeur d'évaluer chaque candidat selon une échelle de valeurs de 1 à 7 (par exemple : excellent – très bien – bien – assez bien – passable – insuffisant – à rejeter)
- on calcule pour chaque candidat sa mention finale selon les mentions données par les électeurs : une "mention majoritaire" est ainsi attribuée à chaque candidat
- on classe les candidats selon leur "mention majoritaire" (premier, deuxième, troisième, etc.)
- Avec 12 candidats, le "scrutin majoritaire" permet à chaque électeur d'exprimer 13 opinions, si on compte le vote blanc.
- Avec 12 candidats et 7 mentions, le "jugement majoritaire" permet à chaque électeur d'exprimer 13 milliards d'opinions.
Exemple de bulletin de vote avec 12 candidats (par Michel Balinski et Rida Laraki – 2011) |
Lien pour une simulation de vote : ⏩ Bulletin de vote - jugement majoritaire
Remarques dignes d'intérêt observées dans le sondage :
- 75 % des électeurs n'ont accordé la mention "Excellent" à aucun candidat.
- 50 % des électeurs n'ont accordé ni "Excellent" ni "Très bien".
- 20 % des électeurs jugent TOUS les candidats au plus "Passable".
- 40 % des électeurs accordent leur mention la plus élevée à au moins 2 candidats, dont 20 % l'ont donné à 3 candidats, et 20 % à 2 seulement.
Pour résumer en une phrase la différence entre les deux systèmes :
Il en résulte que la "mention majoritaire" d'un candidat est la mention soutenue par une majorité, contre toute autre mention. - dans le scrutin majoritaire à deux tours, on vote pour UN candidat,
- dans le "jugement majoritaire" on vote pour une mention accordée à chaque candidat. Le candidat qui obtient la meilleure mention, ou "mention majoritaire", est élu (un seul tour).
Un mode de scrutin doit satisfaire à six exigences :
- Éviter le "paradoxe de Condorcet" (doit désigner un gagnant)
- Éliminer le paradoxe d'Arrow (éviter le jeu induit par les multiples candidatures)
- inviter l'électeur à s'exprimer "honnêtement", l'honnêteté devant être utile
- mesurer l'opinion de l'électorat de façon cohérente (refuser des mesures telles 2 carottes + 3 vaches + 1 éléphant = 6)
- résister à la manipulation, et contrer la tricherie
- obéir à la volonté de la majorité
- Empêcher le jeu des multiples candidatures, puisque rajouter ou enlever des candidats ne change rien aux mentions attribuées ni au classement final.
- Il prend en compte la valeur de chaque candidat aux yeux de tout électeur, traduisant fidèlement le sentiment de l'électorat.
- Il donne à l'électeur la liberté totale d'exprimer ses opinions, l'incite à la sincérité et limite les manipulations. Le vote du "cœur" est utile.
Sources :
Pierre Rosanvalon, directeur d'études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, titulaire de la chaire d'histoire moderne et contemporaine du politique au Collège de France
Vidéo ⏩ Le jugement majoritaire : une nouvelle théorie du vote
Michel Balinski et Rida Laraki, chercheurs au CNRS et au Laboratoire d'économétrie de l'École Polytechnique – Rendre les élections aux électeurs : le jugement majoritaire (Terra Nova).
Document PDF ⏩ Le jugement majoritaire : une nouvelle théorie du vote
⏩ Revue "Pour la Science" N° 414 – avril 2012
Fondation Terra Nova – 21 avril 2011
⏩ Note de synthèse par Michel Balinski et Rida Larak
(1) Liens pour en savoir plus sur la désignation des représentants du peuple par tirage au sort :
La démocratie en question
Paul Dussert
Paul Dussert
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